Adam - In Hell I'll be in good company

→
Adam est né et a grandi dans les bas-quartiers de New-York et a très vite découvert ce que pouvait être la pauvreté, la violence et le manque. Son père se déchirait à l'usine pour un salaire misérable, quant à sa mère, elle, s'occupait de ménages en tout genre pour gagner la même chose. Tout deux ne s'occupèrent que très peu de leur bambin, n'étant qu'un banal accident de contraception découvert trop tard. L'idée fut même envisagée de l'abandonner quelque part, dans un coin, ou encore de l'envoyer en foyer mais, les deux parents ne voulaient pas avoir cette image terrible auprès de leur entourage. Alors, plutôt que de l'abandonner, ils se contentèrent de le laisser tomber, d'une certaine manière. Les cours, les devoirs, les habits et à peu près tout le reste, le garçon dut se démerder seul, entre les coups de son père et les reproches incessants de sa mère, ne cessant de lui rappeler, encore et toujours, qu'il n'était qu'un bon à rien, que personne ne l'aimait et qu'il n'était qu'un accident.

Assez jeune et un peu par hasard, le bambin découvrit la boxe anglaise, grâce à un des amis du quartier. Son oncle tenait une sale et donnait des cours régulièrement, il voulait apprendre à son neveu et celui-ci débarqua avec un petit blanc tout joyeux et curieux. Les débuts ne furent pas bien probants mais, malgré tout, Adam semblait réellement apprécier ce sport et finit par revenir quasi quotidiennement dans la salle pour apprendre. Le sport lui plaisir, oui, mais notre ami avait tout de même conscience qu'apprendre à frapper et à esquiver pourrait grandement lui servir dans le monde réel. Certes, un ring n'avait rien à voir avec la rue mais, cela pouvait aider à savoir mettre un bon coup, de la bonne façon, au bon moment. La règle d'or dans un affrontement dehors était de tout faire pour s'enfuir, malheureusement, parfois, courir n'était pas possible, il ne restait que la possibilité de frapper en premier pour survivre.

La boxe ne le quitta jamais réellement et il remercia du plus profond de son cœur l'oncle de son ami de ne pas le faire payer pour ses enseignements. Il devint un peu comme son oncle aussi et sembla voir en lui un petit poulain prometteur, l'inscrivant à quelques tournois, en remportant certains, se faisant laminer dans d'autres, ne lui donnant que plus encore l'envie de se perfectionner et d'aller plus loin. Petit à petit, l'idée de passer un jour professionnel germa dans l'esprit des deux, qui redoublèrent d'effort pour réaliser ce rêve qui, malheureusement, n'aboutit jamais. C'est là une chose qu'Adam regretta toute sa vie. Malgré tout, il n'arrêta jamais vraiment la boxe, acquérant certainement un niveau proche des professionnels mais étant incapable de réellement concourir.

En grandissant dans un tel endroit, il ne fallait pas s'attendre à recevoir une bonne éducation scolaire, finissant par atterrir dans ce qui semblait plus être une décharge qu'une école. Les gangs se contentaient de se battre entre eux et les profs étaient à bout. Soit en ayant baissés les bras, soit en étant tombé dans une dépression profonde, soit tout simplement en n'en ayant plus grand chose à faire. Ses parents, de leur côté, continuèrent de vivre de la même façon, menant la vie dure à leur gosses, sans se préoccuper de ce dont il avait besoin, devant voler ce qu'il lui fallait. Comme si cela ne suffisait pas, selon les dire de ses professeurs, il finirait sa vie en n'étant personne. Alors, étant sportif, en forme et sans la moindre autre opportunité de carrière, le jeune homme s'engagea dans l'armée dès qu'il le put, abandonnant ainsi sa boxe et ses rêves. Bien sûr qu'il regretta de balancer tout ça mais, fuir ce monde malsain ne pouvait que lui être bénéfique. Peut-être aurait-il pu mourir dans l'armée mais, rester là-bas, c'était la mort assuré, d'une manière ou d'une autre, dans l'indifférence la plus totale. S'il venait à mourir en portant l'uniforme, peut-être que sa vie aurait pu aider quelqu'un, peut-être aurait-il pu être utile, ne serait-ce qu'un instant à qui que ce soit, ou quoi que ce soit.

Ses classes se passèrent plutôt bien dans l'ensemble même si, la rigueur des premières semaines fut tout de même terrible à encaisser. Les horaires, les ordres et l'intensité,  tout ça était difficile mais, de part son entraînement physique quotidien, Adam s'en sortit plutôt bien. Excellant même lors des sessions de combat, enregistrant plus vite que les autres les cours de Sambo, de Krav Maga ou encore de Silat pour agrémenter sa boxe qui lui tenait tant à cœur. Même si ses différents arts ne lui semblaient pas naturel, cette habitude de boxer et de survivre dans la rue lui avaient donné un instinct redoutable, capable d'intégrer rapidement tout ça et de le mettre en pratique. Par fierté, on le balança même dans des tournois de boxe entre régiments qu'il remporta, à sa plus grande joie. Durant cette formation, notre ami se lia fortement avec quelques autres soldats et en particulier un, Isaiah, originaire de Santa Flora et un peu plus âgé que lui. Un homme simple d'une grande bonté, très fier de sa ville natale dont il n'arrêtait pas de vanter les merveilles. Cela avait été un crève-cœur de quitter cet endroit mais son paternel lui avait expliqué que cela était son devoir. Arrivé clandestinement dans ce pays, on lui avait offert, avec le temps, la possibilité de démarrer une nouvelle vie, de travailler, d'apprendre et de vivre dignement, après avoir fui les seigneurs de guerre. À force de travail, le couple avait même réussi à ouvrir leur propre établissement, avant d'enfanter. Même si c'était difficile, il disait que c'était le devoir de son fils de se battre pour ce pays qui avait tant fait pour eux et, c'était louable selon Adam. Avec le temps, le garçon semblait connaître Santa Flora comme s'il y était né et s'était juré d'y aller un jour, voir cet endroit de ses yeux et de mettre des images sur tous les lieux qu'il semblait connaître si bien.

Leur première mission fut l'Afghanistan et ce fut un sentiment terrible que d'être là-bas, la peur, le manque de sommeil, voir des blessés, apprendre la mort de camarade, cela avait de quoi vous retourner la tête. Le pire, selon lui, c'était surtout l'attente. Attendre que quelque chose se passe, se demandant si on allait survivre une journée de plus, se demandant qui serait le prochain à mourir, se demandant quelle serait la prochaine menace. Les patrouilles et les mouvements étaient effrayants, le danger pouvait venir de n'importe où, un mur qui explose, un gamin recouvert d'explosifs, un homme armé caché sous une burqa, ou encore un pauvre vieillard inoffensif qui pouvait jeter une grenade. Là-bas, Adam y laissa une partie de son âme et de sa santé, revenant à chaque fois un peu moins … Un peu moins Adam. Par chance, lors de ses permissions, le jeune homme rentrait au pays avec Isaïah où il découvrit enfin cette fameuse ville et rencontra en chair et en os la famille de son ami qui le considéra comme des leurs, particulièrement vite. Les miracles de la technologies aidèrent cette relation grâce à de nombreuses visios où il fut convoqué régulièrement, lui permettant même d'apprendre le dialecte qu'ils avaient emportés avec eux : le peul. Chose qui permit d'ailleurs aux deux amis de parler entre eux sans la moindre crainte d'être épiés.

Pour ne pas perdre totalement la raison, Adam voulut à tout prix s'occuper l'esprit, peu importait la façon et la manière. Il eut une longue période où il s'entraînait comme un damé avec les instructeurs, voulant perfectionner ses compétences martiales, devenant avec le temps, un expert en Krav Maga. Il n'était peut-être pas aussi pointilleux dans cet art que ce qu'il pouvait l'être en boxe anglaise mais, le garçon avait assimilé une bonne partie des bases et semblait être capable de se sortir de la majorité des situations. Le reste … Le reste n'est qu'une question d'habitude. Lorsqu'un esprit comprend les mécanismes d'un art en général, face à une situation inconnue, la gymnastique mentale peut aller très vite. Cet entraînement rigoureux et cette application sur le terrain le fit rentrer dans les forces spéciales, aux côtés d'Isaiah, retrouvant deux amis de formation, Terrence et Mark, se liant profondément d'amitié avec une bonne partie de l'unité. Toujours grâce à Isaiah Adam, finit par se découvrir un amour pour la guitare, mais aussi, rapidement, le chant un autre moyen de s'occuper l'esprit, d'une manière moins usante physiquement. Le grand amoureux de Santa Flora jouait régulièrement lors des temps morts, ce qui fascinait son ami qui mit bien du temps avant d'oser lui demander d'être initié. Il joua un nombre incalculable d'heures, souvent, sous les cris médusés de certains qui ne souhaitaient que dormir en huant ses faibles compétences qui ne tardèrent vite à grimper. De part la mixité culturelle locale, notre homme put apprendre des chants et des morceaux issus de nombreux coins, ne faisant que renforcer son amour. Jamais il ne cessa de jouer et de chanter.

La pire des choses arriva en mission, alors qu'il avait vingt-sept ans. L'unité se déplaçait à pied, en plein centre d'une petite ville, tout semblait bien se passer, aucun ennemi ne semblait avoir été aperçu et il y eut une violente explosion, très violente. Adam fut projeté contre un mur, se cassant plusieurs côtes et un bras tandis que son épaule semblait prendre feu, lui dévorant une partie de son bras, du haut de son buste et son cou. Son autre bras étant inutilisable, il dut batailler pour se rouler dans tous les sens dans ce sable brûlant pour éteindre les flammes et certainement s'infecter violemment avec les grains. L'explosif contenait de l'essence et une flaque lui tomba dessus lui offrant un souvenir qu'il ne pourrait jamais oublier. Se relevant enfin, le soldat comprit l'étendue du carnage, sur tous les hommes, il ne restait que trois survivants, lui, le capitaine et le petit nouveau, tous dans un état déplorable. La … Chance voulut qu'aucune attaque ne se produise par la suite. Cela devait être un piège, ou un explosif dysfonctionnel. Dans tous les cas, Adam fut rapatrié et passa un long moment à l’hôpital pour soigner ses brûlures violentes. Malgré tout ça, il n'eut pas de réelles séquelles … Physiques, j'entends. Son esprit, quant à lui, fut broyé à jamais. Son contrat arrivant à terme pendant sa convalescence, le jeune homme refusa de prolonger, refusant de retourner là-bas ou de refaire quoi que ce soit en lien avec l'armée. Malgré cette perte qui ne pourrait trouver aucun qualificatif, la famille d'Isaiah recueillit le survivant le temps de sa convalescence, faisant de son mieux pour l'aider à reprendre ses esprits alors qu'au fond, c'était bien eux qui avaient le plus besoin de soutien. Ces nombreux mois passés à leur côté et ce, malgré la douleur horrible finit par les rapprocher, formant presque une famille. Cette proximité fut d'autant plus vrai avec la jeune sœur d'Isaiah qui devint, finalement, comme la sienne.

Malgré leur attention et leur tendresse, le jeune homme ne put empêcher une longue période amorphe, dépressive où seul l'alcool put l'aider à surmonter ses cauchemars. Ce fut un téléfilm sans vraiment d'intérêt qui le sauva des abîmes en lui proposant un stimulus qui allait le remettre sur les rails. Un personnage secondaire ayant vécu quelque chose de similaire à lui qui prenait la route afin de  retrouver la famille de ses frères d'armes, aller les voir, leur parler de leur fils, de leur maris ou de leur pères, leur raconter toutes les belles choses qu'ils avaient vécus ensembles mais aussi d'à quel point ils les aimaient. Sa nouvelle frangine le poussa violemment au cul pour se lancer dans une aventure similaire, après avoir aperçu une étincelle de vie dans son regard devant la scène. Cela pouvait sembler anodin, presque cliché comme histoire mais, rapidement notre ami retrouva un semblant de vie, une raison d'aller de l'avant, un besoin même. De raconter les derniers instants, les non-dits de ses frères morts au combat, cela redonna un sens à sa vie. Un peu aidé de l'administration, notre ami parcourut le pays, survivant de petit boulot pour retrouver la famille de chacun d'entre eux, vivant un peu dans leur ville natale pour s’imprégner un peu de ce qui les avaient rendu unique, chacun à sa façon, avant de prendre le chemin pour la prochaine destination.

C'est à la fin de ce long voyage qu'Adam retourna enfin à Santa Flora en être humain, transformé, ressuscité même. Les retrouvailles avec sa nouvelle famille furent heureuses et bénéfiques à tous. Il y eut de longues conversations au sujet de ses voyages et, son sourire redevint sincère, pour la première fois en plusieurs années. De nouveau, ils lui offrirent un toit et proposèrent même de l'embaucher mais, le jeune homme n'osa pas accepter, n'ayant que peu d'expérience dans ce qu'ils lui proposaient, certain de tout faire foirer et de leur causer plus de tort qu'autre chose. Ils avaient un cœur en or et, le soldat était certain que, même s'il leur coûtait de l'argent, il ne diraient rien, se contentant de sourire avec bienveillance. Ça, il ne le voulait pas, ainsi, depuis son retour, le voyageur enchaîna les petits boulots, rassurant ainsi sa nouvelle famille.