être ou ne pas être (teddy)

→ Son père, Eric Robinson, était un chirurgien reconnu dans le milieu. Il enseignait à l’université et effectuait pas mal de recherches. Cependant, il cachait une part d’ombre. L’homme s’adonnait à la vente d’organes. Suite à de très longues investigations, le pot aux roses a été découvert. On accuse le chirurgien d’avoir dépossédé de leurs organes de nombreux patients déclarés cliniquement morts - les diagnostiques étaient pour la plupart faussés- sans consulter l’avis des proches. Les organes ont été apparemment vendu aux plus offrants et à des réseaux mafieux. Par ailleurs, l’un de ces vols d’organes auraient servi à sauver la vie de son fils il y a de cela quelques années qui souffrait de problèmes de cœur et devait en recevoir un d’urgence. Les plaintes se sont accumulées à une vitesse phénoménale. Malheureusement, les familles des victimes n’ont pu obtenir justice car Eric Robinson s’est donné la mort avant que le procès ne puisse aboutir.

→ La pression médiatique est retombée sur le reste de la famille Robinson qui n’a pu que se confondre en excuse. Le public est partagé. Était-elle au courant des agissements du patriarche? Ou alors le docteur Robinson cachait-il si bien son jeu qu’il a réussi à les tromper également? L’épouse Robinson n’a pas pu supporter la pression et a sombré dans l’alcool. Elle sort et rentre fréquemment en centre de désintox.

→ Leur fils Teddy a été recueilli par la sœur de sa mère. Il a eu du mal à s’intégrer à cette famille déjà formée et qui semblait seulement l’avoir recueilli par dépit, par devoir. Son caractère réservé agaçait particulièrement sa nouvelle famille qui pensait qu’elle méritait au moins un sourire pour l’avoir pris sous leur toit. Un soir de nouvel an, la matriarche, ne tenant pas très bien l’alcool, a explosé. “Mais tu vas arrêter de tirer la gueule, oui?! Souris un peu, merde! T’as la chance d’être encore en vie parce que ton enfoiré de père a volé le coeur d’un pauvre gamin alors apprécie un peu la vie à sa place, au moins! Espèce de petit ingrat!” Des mots qu’elle regrette sûrement mais qui resteront gravés à jamais dans l'esprit de Teddy.

→ La culpabilité a longtemps rongé Teddy. Sa psychiatre lui a sans cesse répété que rien n’était de sa faute. Qu’en tant qu’enfant, il n’était pas responsable de la faute de son père. Qu’il était aussi une victime. Mais pour Teddy, cela ne changeait absolument rien. Responsable ou non, il ne pouvait s’empêcher de se demander s’il avait encore le droit de vivre. S’il le méritait vraiment. Après de nombreuses réflexions, il est passé à l’acte.

→ Ce matin-là, il s'était de nouveau réveillé en larmes. Il ne s’est levé que lorsqu’il a entendu la porte d’entrée claquer, annonçant le départ de sa famille adoptive, les adultes se rendant au travail et leur fils à l’école. Teddy  avait pris sa décision. Il allait quitter ce monde. Renoncer à une vie qu’il avait volée, même involontairement. Bêtement, il pensait que cela réparerait le crime de son père. Il se rend au sous-sol. Habilement, il fait un noeud comme internet lui a appris. Devait-il écrire une lettre d’adieu avant de passer à l’acte? Probablement pas. Cela serait inutile. Ils comprendraient pourquoi il a fait ça. C’était évident.

→ Il oscille entre la vie et la mort, retenu seulement par les bras de son cousin, qui, supportant tout son poids, empêche la corde d’éteindre son cou. “Teddy! Pourquoi? Tu mérites de vivre. Ce n’est pas de ta faute.” Le garçon s’étouffe dans ses sanglots. “Ne t’en vas pas! Ne me laisse pas seul. Si tu t’en vas, qui goûtera mes gâteaux? Qui va me vaincre à la Playstation? Qui sera assez patient pour m’écouter parler de Sabrina? Si tu t’en vas, qui finiras de dessiner cette fabuleuse bande dessinée que tu as commencé?” Il continue jusqu’à ce que les secours arrivent et emmènent Teddy à l'hôpital.

→ Teddy a survécu. Grâce à l’intervention de son brave petit cousin, qu’il considère comme un frère, l’informe un docteur. C’est d’ailleurs le jeune garçon qui a l’honneur de la première visite. Le petit héros. Ses yeux sont rouges, il n’a pas cessé de pleurer depuis l’accident. “T ... tu es vivant!” Teddy lève les yeux au ciel. Son petit frère a le chic pour dire les choses les plus évidentes. “Tu parles tellement que c’est difficile de s’en aller en paix avec toi.” Teddy rigole mais pas le garçon. L'aîné lui attrape la main, surprenant le cadet. C’est une marque d’affection que Teddy avait pour habitude de fuir. “Merci. De m’avoir sauvé. T’es un champ’.” “Promets que ça n’arrivera plus!” “Je ne veux pas te mentir. Mais je vais essayer.”

→ Teddy ne possède pas énormément d’amis mais il chérit les quelques personnes qui composent son carnet d’adresse. C’est la raison pour laquelle il est en train de refaire le portrait d’un mec. Cela fait des semaines que ce trou du cul harcèle son amie parce qu’il ne veut pas admettre que leur relation est terminée. Teddy a tenté de ne pas s’en mêler mais il a perdu son sang froid lorsque l’enfoiré est devenu violent avec la jeune femme. De multiples mains l’ont repoussé, sauvant l’ex de son amie. Le nez et la bouche ensanglantés, il se relève, chancelant, foudroyant Teddy du regard. “Tu le regretteras. J’vais t’apprendre à te mêler de tes affaires.”


→ Teddy a arrêté ses études. Une année à l’université était assez pour qu’il se rende compte que ce n’était pas fait pour lui. Son oncle lui a donc proposé de travailler avec lui dans son entreprise de taxi. Il a accepté. Il travaille d’arrache-pied pour réaliser son rêve et ouvrir un complexe de loisirs d’intérieur. L’objectif qu’il se donne est d’ouvrir les portes de son entreprise à l’aube de son trentième anniversaire.