GOD IS A WOMAN (Vera)

Tu ne savais l’heure il était. Tout ce que tu savais c’est que les minutes défilaient trop rapidement à ton goût. Bientôt le soleil montrerait le bout de son nez et tout serait officiellement terminé. Voilà des mois que vous avez décidé de mettre un terme à votre mariage. Divorcer, te séparer de lui te paraissait impossible. Lui et toi, toi et lui vous viviez quelque chose d’unique, une histoire si forte que même les studios hollywoodiens ne sauraient le raconter. Aujourd’hui, l’encre sur le papier va mettre un terme à un amour de vingt ans et à un mariage de 18 années. Le temps est passé si vite, tu ne l’as pas vu venir. Dans le tourbillon de la vie, des habitudes, du travail, des diners, les choses ont changé. Ton amour pour lui n’a fait que grandir chaque jour que tu as savouré avec lui, chaque nuit protégée de tout prêt de lui. T’endormir avec l’odeur de son gel douche, sa peau sous ta main. Tu as du mal à croire que c’est la dernière fois que tu le vois comme ça, si beau, si paisible, dans le même lit que toi. Cette ultime nuit entre vous, tu ne l’avais pas vu venir. Voilà plus d’un an que vous avez annoncé le divorce à vos proches, que vous bataillez pour les petits détails furtifs. Quand hier soir, il est venu à la maison. Dans votre maison sublime, qui vaut cher. Le fruit de vos efforts, de votre travail mais de cette famille si parfaite. C’est lui qui a quitté la maison lors de la séparation, il ne voulait pas imposer un déménagement à vos filles adorées pour qui la situation serait déjà difficile à gérer. Il est venu hier soir, vous avez bu une coupe de champagne ensemble. Après tout, demain vos vies ne seraient plus communes, mais vous pouviez trinquer, enfin le calvaire va s’arrêter et vous pourrez avancer. Les bulles du champagne vous ont enivré, les souvenirs et les regards plus forts que vos orgueils destructeurs. C’est arrivé, une nuit si belle, torride, sans parler, les corps exprimaient ce que vos coeurs et vos cerveaux ne voulaient pas dire. Un appel qui voulait dire “ne pars pas”. Il s’est finalement endormi et tu apprécies chaque seconde, allongée sur le côté. Entre l’envie de le réveiller pour lui sauter dessus et l’envie de pleurer. Quelques larmes discrètes roulaient le long de tes joues. Un dernier baiser sur ses lèvres et tu files la première te préparer pour le jour le plus dur de toute ta vie.

Que faites-vous hors de votre lit à cette heure mademoiselle ? - Petite question, sourire au bord des lèvres à Sadie. La belle Stella n'est pas là, elle alterne entre colocations, vie ici ou avec son père. Ta fille a 17 ans, elle a surement l’âge de décider toute seule l’heure pour s’endormir. Tu es une maman et tu tiens à ce qu’elle puisse profiter d’une nuit de repos pour donner le meilleur d’elle même le lendemain dans tous les domaines. Elle te regardait assise sur l’un des tabourets autour de l’îlot de l’immense cuisine américaine. Un peu dans la pénombre, elle n’avait allumé que quelques bougies et la lumière bleue de son ordinateur reflétait son visage encore enfantin. Comme toi, elle aime l’odeur des bougies et la châleur qu’elles apportent. J’ai un exposé à finir … te répond-t-elle un peu sèchement en te regardant interrogative et quelque peu déçue. En rentrant dans la maison entourée de vitres, tu avais pris soin de retirer tes escarpins pour ne pas faire de bruit et qu’elle ne remarque pas ton arrivée si tardive. Enfin tardive, tout est relatif, disons que la soirée est terminée et que la nuit est un peu entamée. On avoisine les 2h du matin. Escarpins à la main, bien coiffée - comme toujours -, sublime, parfaite comme tu aimes l’être, Sadie n’est pas née de la dernière pluie. Elle sait que tu es sortie et se doute qu’il peut y avoir une rencontre derrière. Après plus d’un an toute seule, il est vrai que tu as manqué d’amour et tu l’as cherché sur des applications de rencontre mais rien de bien concluant. Je peux t’aider ? Demande tu à ta fille. Tu ne sais pas sur quel sujet porte l’exposé mais tu sais que les examens sont proches et si elle a besoin de toi tu seras là. Elle ne répond pas, se contente de dodeliner négativement. Tu sens le jugement dans les yeux de ta fille agacée. Tu ne veux pas les blesser, le fait de rencontrer un homme avec qui ça pourrait devenir sérieux peut faire peur. A toi, comme aux filles. Après tout, aucun de ces hommes ne sera Cole, aucun homme ne sera leur père et tu peux ressentir leur amertume. Tu n’évoques jamais ces choses là avec elles mais elles le savent. Elles te voient te pomponner et entendent parfois claquer la portière d’une voiture qu’elles ne reconnaissent pas. Vous n’échangez pas plus que ça, suite au divorce le dialogue s’est quelque peu estompé. Sadie de nature secrète, à garder ses ressentiments pour elle, cela n’ai en rien. Tu te contentes de hausser les épaules … ne traine pas, tu as école demain ! dis-tu. Tu ne veux pas devenir la mère trop autoritaire mais tu dois garder ton rôle même si elle n’en veut pas. Un petit sourire pincé, mal à l’aise et tu files toi dans ta chambre, seule, une nouvelle fois.

On dîne ensemble ce soir ? Demande-tu à Atlas après avoir fait coulisser la porte de son bureau. Il n’est pas très tard pour une fois, certains associés sont dans leurs bureaux, d’autres sont déjà partis. Je ne peux pas ce soir … te répond-t-il sans vraiment te regarder ou prêter attention à toi. Tu soupires déçue de ne pas passer une nouvelle soirée avec lui. Vous vous connaissez depuis si longtemps et cette relation plus charnelle des dernières semaines rendent ton jugement et des sentiments confus. Alors que tu t’apprêtes à refermer la porte, Vera, attends ! Dit-il. Tu reviens alors dans son bureau les bras croisés, sans trop t’avancer vers lui. Il y a des vitres partout dans ce cabinet, on voit tout, pratiquement. Je dine avec ma femme ce soir, on doit arranger les choses … tu hausses les épaules, pinces un peu les lèvres. Je comprends, je suis désolée … Une boule de jalousie massive te gêne dans la gorge. Tu ne sais pas si ce qui te rend jalouse c’est qu’il partage sa vie avec quelqu’un d’autre ou si tu es jalouse de sa femme qui a un mari prêt à se battre pour sauver ce qu’ils ont. Tu es déçue de ne pas passer la soirée avec lui, tu aimes passer du temps avec lui. Ici aussi, tu ne saurais dire si tu as de l’amour pour lui ou une simplement un attachement et un besoin de tendresse plus fort que ta raison. Tu ne supportes pas d’avoir été la maîtresse d’un homme marié. Tu ne supportes pas de te regarder tellement la culpabilité te ronge. Tu es effrayée, tu ne te reconnais plus. Tu as peur de gâcher la vie d’un joli couple, de perdre l’amitié d’Atlas si importante à tes yeux. Amitié quelque peu ébréchée par des coups de rein somptueux. En quittant le bureau d’Atlas, tu tombes nez à nez avec Cole, ton ex mari qui te dévisage. Tu sens une animosité, une tension alors que vos relations semblaient apaisées, Cole … dis-tu rapidement avant de t’éclipser dans ton bureau à toi.